Un bilan sanguin pour juger le plan d’alimentation des veaux – PLM

Cet article issus du magazine PLM vise à expliquer l'intérêt d'un bilan sanguin pour juger le plan d'alimentation.

François Pauly, vétérinaire au sein du cabinet RumeXpert est appelé sur l’élevage de Ludovic et Stéphane Feys pour vérifier si le plan d’alimentation des veaux holsteins est bien calé. « La meilleure façon de voir si un veau est correctement alimenté est d’analyser son sang » explique le vétérinaire François Pauly.

Sur l’élevage Horimetz Holstein, l’objectif est de faire vêler les génisses à 22-23 mois. Les veaux reçoivent un aliment d’allaitement à 27 % de protéines brutes et 21 % de matières grasses, avec 40 % de
lait écrémé. L’aliment sec est constitué d’un mash à 16 % de protéines brutes et 10,5 % de celluloses brutes. Il est composé d’orge, triticale, tourteau de lin, son de blé, paille, maïs, mélasse, soja, gluten de maïs, pulpe de betterave, colza et luzerne. Le mélange arrive en big
bag avec la paille mélangée au concentré. Ludovic s’occupe matin et soir des veaux.

Il donne jusqu’à 9 litres de lait par veau. À 72 jours, ils sont sevrés et reçoivent à volonté l’aliment sec et un peu de la ration mélangée des vaches laitières. Puis, de 4 à 8 mois, les génisses reçoivent le mélange des vaches laitières à volonté. Au-delà, elles ont une ration déconcentrée, enrichie en paille hachée. Afin d’évaluer l’état de santé des veaux, le Dr François Pauly réalise des prises de sang à 5 veaux de 0-3 semaines, 5 veaux 3-6 semaines… Et cela jusqu’aux veaux âgés de 15 semaines. Les prélèvements sanguins sont ensuite envoyés au laboratoire et l’éleveur reçoit une semaine plus tard un bilan avec une interprétation.

  • L’albumine, la plus grosse protéine sanguine représentée par la courbe orange. Les rectangles rouges représentent la norme à respecter. Sur l’élevage, on remarque que l’albumine est presque au maximum les premières semaines. Cela signifie qu’il y a une bonne gestion du colostrum et du démarrage des veaux. Les éleveurs donnent 4 litres de colostrum à la sonde dans les 2 heures qui suivent la naissance et 2 litres, 12 heures plus tard. « L’objectif des 150 IgG dans les 2 premières heures et 300-400 g IgG dans les 24 heures est donc respecté » commente François Pauly. Par contre, l’albumine décroche entre 5 et 8 semaines. À 5 semaines, les veaux passent en boxes collectifs et commencent l’alimentation solide. Au même moment, l’éleveur diminue le lait. Le changement de logement et de nourriture provoque un stress chez le veau. Il n’ingère pas suffisamment pour faire face à ses besoins énergétiques. Cependant, l’albumine n’est tout de même pas inférieure à la norme minimale.
  • L’urée doit se trouver entre 15 et 30 mg/dl tout au long de la période lactée. Elle est représentée par la courbe noire. Ici, elle est dans la norme. « L’urée étant un déchet du catabolisme des protéines, on peut simplifier en disant qu’une carence en urée signifie un déficit en apport protéique chez le veau, alors qu’un excès sera soit lié à un apport excessif en protéine, soit lié à un manque d’énergie dans la ration, qui ne permet alors pas d’assimiler correctement les protéines dans l’organisme du veau » explique François Pauly.
  • Le cholestérol est un marqueur de l’énergie apportée. Il évalue les lipoprotéines circulants dans le sang. La norme se situe entre 80 et 140 mg/dl. En fin de période lactée le cholestérol sanguin du veau doit diminuer pour atteindre les normes basses, signe d’une meilleure utilisation de l’énergie apportée par la ration grâce aux bactéries du rumen. Sur l’élevage Horimetz Holstein on constate une légère chute tout en restant confortable dans les normes autour de 5-6 semaines, très probablement liée aux mêmes raisons citées plus haut pour l’albumine. La diminution après 8 semaines est à lier à une meilleure utilisation de l’énergie par les bactéries ruminales. C’est le signe d’un rumen qui fonctionne, prêt à digérer de l’aliment non lacté.
  • Le BHB (Beta-hydroxybutyrate) au sevrage est à 625 mg/dl, bien au-delà des 200 mg/dl attendus à 9 semaines pour déterminer un bon fonctionnement ruminal, nécessaire au sevrage à venir. Les veaux sont donc prêts à être sevrés à cet âge de 9-12 semaines, sans doute déjà avant. Au vu des résultats, le Dr François Pauly conclut qu’un bon management du colostrum est réalisé dans cette exploitation. L’aliment d’allaitement couvre parfaitement les besoins en énergie et protéines du veau à une concentration de 150 g/l de lait reconstitué. La période
    5-8 semaines montre l’importance d’apporter très tôt un aliment sec pour éveiller la curiosité du veau, lui apprendre à manger par petite quantité quotidiennement renouvelée.

La transition est également indispensable pour éviter les pertes zootechniques et parfois sanitaires. Elle doit être progressive, sur plusieurs semaines idéalement, au minimum une semaine. L’alimentation solide proposée aux veaux dès cinq semaines est de bonne qualité et leur permet ici de poursuivre leur excellente croissance. Elle compense bien la diminution du plan lacté.

Apport de concentré plus précoce
Pour éviter la petite chute des courbes d’albumine, urée et cholestérol vers 5 semaines, le vétérinaire conseille de proposer l’aliment sec plus tôt, pour préparer les veaux, et supprimer un stress lors de la mise en lots. Idéalement, un aliment sans paille au début,
pour favoriser l’ingestion. Ce qui permettrait aussi de maintenir le plan lacté à 7 l/jour jusqu’à 6 semaines avant d’entamer une diminution par paliers des quantités journalières de lait. Donner de grandes quantités de lait pendant 6 semaines favorise une excellente croissance, et couvre entièrement les besoins protéo-caloriques du veau.

Cela prépare également les estomacs à accueillir une grande quantité d’aliments solides par la suite. Une caillette bien développée, que ce soit au niveau de sa muqueuse ou au niveau de son volume, créera une sensation de faim importante chez le veau dès la diminution du plan lacté et par conséquent un intérêt certain pour l’aliment sec proposé. Le sevrage des veaux se fera naturellement en conservant d’excellentes performances sur le long terme.

Kevin Deknudt

POUR EN SAVOIR PLUS

  • RumeXpert est un cabinet vétérinaire indépendant réalisant des audits concernent l’alimentation, la reproduction, l’hygiène et la ventilation. RumeXpert était ici mandaté par la firme Starmilk pour réaliser l’audit veau dans la clientèle. info@rumexpert.vet
  • L’élevage Horimetz Holstein ouvre ses portes le 11 avril 2019 en amont de la Confrontation Européenne Holstein de Libramont. L’occasion d’échanger avec Annie, Stéphane et Ludovic Feys. Ils gèrent à trois un troupeau de 190 vaches holsteins.s.feys@skynet.be

Source: Extrait de PLM n°506 Décembre 2018 & n°507 Janvier 2019

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